Bine
2011
Notre espace d'expérimentation se réduit chaque jour un peu plus. Dans un mouvement de réaction face au formatage, et notamment celui du corps à l'image, Bine questionne sa représentation la plus permanente : l'image télévisuelle.
Le corps est sous verre, comme dans une vitrine. Séparé de nous, il fait partie de ces objets que nous regardons dans leur fixité, souvenir des restes d’une vie, ruine de ses propres capacités à se déplacer dans de nouveaux espaces. Rien ne bouge, rien ne change réellement, tout se ressemble.
Placer le corps d'une danseuse à cet endroit exactement, dans cet espace au format de l'image télévisuelle et tenter de redéfinir ses possibilités.
En respirant au mieux dans ce volume réduit, chargé en direct par la poésie de Charles Pennequin, le corps éprouve ses dimensions contre les parois pour se jeter dans cette tentative de déplacement, chargé de ses propres stigmates.
Avant que nos forces s'amenuisent, que notre volonté s'épuise et que notre corps se fige définitivement.
c’est mort ici. ou presque. c’est quasi mort. on n’en a plus pour longtemps. ailleurs c’était moins mort. mais ici, si vous voulez sortir le soir, c’est mort. faut rester chez soi. mais même chez soi c’est mort. la télé est morte. vous sortez dans la télé. vous voulez passer une bonne soirée. mais c’est la télé qui veut passer une bonne soirée. du coup elle dit c’est mort ici. elle passe la soirée ailleurs. on sait pas où. certains savent où elle passe ses soirées la télé. je vois des gens sortir. Ils disent qu’ils sortent mais c’est pour faire un effort. pour dire d’être sortis. puis après ils re-rentrent. y en a comme ça qui sont morts, de faire tant d’allées et venues pour rien. les experts vous le diront : ne sortez pas couverts, surtout si c’est mort tout partout. pas d’allées et venues inutiles. restez chez vous. même si c’est mort.
ils le disent tous les experts à la télé.
Charles Pennequin, La fin des poux – éditions "L’Âne qui butine" - 2011