No reality now
Création 2023
No reality now est une expérience qui allie danse et réalité virtuelle. Elle nous invite dans un au-delà ― inaccessible, insondable, inintelligible, comme la mort qu’elle s’aventure justement à mettre en scène.
Trois personnages (la Mort, la Défunte et la Chamane) investissent le plateau scénique et un plateau virtuel. Dans les gradins, les spectateurs sont équipés d’un casque de réalité virtuelle muni d'une poignée, qu'ils peuvent enlever et remettre à loisir. Ainsi ils alternent comme ils le souhaitent entre monde virtuel et monde réel.
No reality now incarne une nouvelle génération de spectacles hybrides reposant sur une solution de scène augmentée (soutenu par France 2030 au titre du PIA 4).
No reality now est une adaptation de la pièce chorégraphique Souffles créée en 2010 par Vincent Dupont. Nous assistons à un rituel funéraire étrange fait d'apparitions et de disparitions. Tandis que la Mort fauche et éviscère un corps sans vie, la Chamane, petit lutin en costume folklorique, exécute des danses macabres.
La pièce conserve la trame de Souffles, et étend son champ narratif grâce à la réalité virtuelle : la Mort s'incarne, les sons deviennent ondes visuelles et des décors de sang ou de fleurs se matérialisent. L'expérience immersive permet au spectateur de naviguer dans des réalités parallèles et entrelacées, livrant chacune leur part de vérité et de mystère.
No reality now s'appuie sur une solution de scène augmentée, permettant la reproduction virtuelle d'une salle de spectacle, avec ses interprètes (acteurs/danseurs) qui évoluent sous forme d'avatars sur un plateau virtuel. Les mouvements et déplacements des interprètes sur scène sont capturés en amont grâce à des équipements de motion capture et à un moteur 3D temps réel et reproduits dans un univers immersif en temps réel pendant le spectacle.
Dans les gradins, les spectateurs équipés d’un casque de réalité virtuelle amovible (utilisé comme des jumelles de théâtre - avec le bon angle de vue depuis chaque siège) peuvent naviguer comme ils le souhaitent entre univers virtuel et réel, en conservant leur rapport direct au plateau.
Note d'intention des auteurs
« La pièce Souffles que j’ai créée en 2010 s'inscrit en deux mouvements successifs : Le premier - Inspiration - tente de révéler une image de la mort en mouvement dans une catharsis du plateau. Le deuxième mouvement - Expiration - épuise cette image pour en extraire une violence rédemptrice.
Mon intuition est que Souffles, dans sa forme « augmentée » No reality now, peut clamer sa force en tant qu’objet artistique « traditionnel », autonome et troublant, sans être inquiété par la fascination sensorielle que produit la réalité virtuelle. Mieux encore, que la dimension rituelle et onirique de Souffles présage un dialogue puissant entre deux dispositifs de réalités tierces, le théâtre et la VR, pour produire un langage riche et inédit. Il s’agit donc de créer une force d’attraction réciproque entre la réalité physique et la réalité virtuelle, pour inciter les spectateurs à aller et venir entre ces deux visions.
Une façon de conjuguer la magie du spectacle vivant et la fascination de l’immersion numérique dans un nouvel espace d’intersections, de sensations, où théâtre et VR seront rendus complices d’une illusion co-construite.
C’est ainsi une façon de repousser - une nouvelle fois - les limites physiques de la représentation théâtrale pour déployer un éventail de perceptions plus large. Pour la VR, c’est l’opportunité d’entrer en partage avec les écritures de la scène et d’aller jusqu’à la représentation publique.
D’un point de vue très concret, les spectateurs seront munis non pas de casques vissés sur le crâne durant toute la durée du spectacle, mais plutôt de lunettes amovibles, équipées de poignées, permettant ainsi de les placer devant le regard ou de les en retirer à l’envi, à la manière des jumelles de théâtre utilisées autrefois.
Afin d’éviter que ces deux visions soient parallèles et déconnectées l’une de l’autre, nous avons examiné les possibilités d'intersections entre ces deux mondes. Nous cherchons plutôt à créer un trouble perceptif, des instants où le spectateur ne saura plus précisément catégoriser ce qu’il regarde, s’il voit à travers les lunettes ou sans elles. »
Vincent Dupont
« La réalité virtuelle redistribue l’espace narratif. Le projet No reality now propose une nouvelle forme théâtrale, où l’immersion personnelle est collectivement partagée.
Sous la forme d’un rituel funéraire, l’expérience propose de confondre le réel avec l’au-delà et de goûter concrètement
au virtuel. Le spectateur accède à sa convenance à cet effeuillage des réalités grâce à l’ajustement d’une poignée sur le casque VR ; il se créé ainsi une expérience singulière du spectacle.
Les discussions que nous avons eu avec Vincent, lors de la première Résidence Chimères qui nous a réunis, ont rapidement trouvé écho. Lorsque j’ai découvert certaines de ses créations (Cinq apparitions successives, Stéréoscopia, Refuge...) en vidéo et en live ensuite, j’ai vite su que nous parlions le même langage car de nombreux points communs se tissaient avec mes expériences interactives (7 Lives, SENS, Le Cri) : forme muette, épurée, mise en scène du sensible...
Nous nous sommes lancés assez naturellement dans cette résurrection de Souffles. Vincent ayant une vraie appétence envers les nouvelles technologies adaptées au spectacle vivant, l’expérimentation fut riche et fructueuse pour décupler le potentiel narratif, virtuel et immersif du spectacle.
Une partie de ma collaboration est d’appuyer le ressenti de la “présence” des spectateurs dans la VR et leur prise en compte dans le spectacle. Rendre tangible nos idées en s’appuyant sur les possibilités techniques pour concevoir les enjeux émergeants de la « discussion » entre réel et virtuel. L’envie est de faire déborder le plateau dans l'espace du public ou bien d'amener ceux-ci au milieu des danseurs tout en les gardant dans les gradins. En soit, questionner la posture du spectateur face à l’œuvre.
Le dispositif de No reality now vise aussi à être réutilisable et à aider d’autres écritures de spectacle vivant augmentée. »
Charles Ayats